Quand ton client joue sur ton syndrome de l'imposteur...


Quand ton client joue sur ton syndrome de l'imposteur...

"Comment je fais si un client me dit que mon travail est nul et que je suis une jeune amatrice ?"

C'est la question qu'une de mes Ă©lĂšves de Gobelins m'a posĂ©e hier, alors qu'on abordait la question du syndrome de l'imposteur. Cette question vaut d'ĂȘtre posĂ©e, car bien qu'il soit plutĂŽt rare d'entendre une critique aussi ouvertement envoyĂ©e, autant y ĂȘtre prĂ©parĂ©e. Et pour ce faire...


👉 Partons d'un exemple concret

Rien de tel que de partir d'un exemple concret et contextualisĂ© pour Ă©valuer ce qu'on pourrait rĂ©pondre Ă  un client qui appuierait lĂ  oĂč ça fait mal. Voici ce que j'ai donc proposĂ© Ă  ma classe :

Admettons, tu as fait une mission de graphisme pour un client d'un cinquantaine d'années qui vend des baskets pour ados.

Jusqu'à présent, tout s'est bien passé, pas une difficulté sur le projet. Mais au moment de la livraison finale, ce client t'exprime son insatisfaction par cette délicate remarque :

"C'est nul, c'est du travail de jeune amateur."


🎯 ETAPE N°1 : QUESTIONNER LE CONTEXTE

Avant de répondre, prends une grande inspiration, et remets les choses en perspectives.

👉 Que "vaut" le regard de ton client ? Est-il un spĂ©cialiste de l'image ? Est-il particuliĂšrement cultivĂ© en matiĂšre d'arts graphiques ? Travaille-t-il rĂ©guliĂšrement avec des artistes ? Quel est son mĂ©tier ?

Par exemple, si ma grand-mÚre me dit qu'elle trouve mon logo moche, quelle importance? Parce que le travail d'identité visuelle n'est pas son métier. C'est le mien. C'est sûr, je préfÚrerais qu'elle l'aime bien, hein. Mais son avis sur mon travail n'a pas de valeur.

👉 Le client est-il trĂšs stressĂ© ? Y a-t-il des Ă©vĂšnements extĂ©rieurs Ă  toi qui peuvent expliquer la sĂ©cheresse de cette rĂ©ponse ? Quand on est sous pression, les mots dĂ©passent parfois la pensĂ©e.

👉 Le client est-il la cible finale de ton travail ? Est-il celui qu'il faut sĂ©duire grĂące Ă  ta plaquette de vente ? On travaille souvent pour un client qui n'est pas l'audience que l'on vise par la crĂ©ation. Si tu travailles pour une marque de baskets, tu cibles celles et ceux qui achĂštent des baskets. Ton interlocuteur porte-t-il des baskets ? Si la rĂ©ponse est non, le fait que ton travail ne lui plaise pas n'a pas tellement d'importance. C'est plutĂŽt le signe que tu as bien fait votre travail, un travail qui ne s'adresse pas Ă  un quinquagĂ©naire, mais bien Ă  des adolescents.


🎯 ETAPE N°2 : TU N'ES PAS DÉSOLÉ.E

👉 Si tu n'as rien Ă  te reprocher et que tu as honorĂ© le devis en bonne et due forme, NE T'EXCUSE PAS. Tu n'es pas dĂ©solĂ©.e d'avoir fait ton travail. Si tu t'excuses, tu es en train d'admettre qu'il y a de quoi s'excuser, et tu permets Ă  ton client de prendre l'ascendant.

👉 Par contre, tu peux dire que tu trouves ça dommage qu'il voie les choses ainsi. Evidemment, ton objectif est que ça se passe bien et que le client soit satisfait de la collaboration que vous avez engagĂ©e.


🎯 ETAPE N°3 : NE LAISSE PAS PASSER ÇA

Il ne faut pas laisser passer une phrase comme celle-ci. C'est un drapeau rouge qui se lĂšve, dont il faut comprendre l'origine. Il va donc falloir poser des questions, car vous avez le droit et le devoir d'obtenir des explications :

👉 Par rapport Ă  quoi Ă©met-il son jugement ? Est-ce du travail d'amateur par rapport une rĂ©fĂ©rence comparable ? Avait-on allouĂ© Ă  cette rĂ©fĂ©rence le mĂȘme budget, le mĂȘme temps, et la mĂȘme Ă©quipe ? Ses attentes sont-elles cohĂ©rentes avec la commande ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi n’avoir rien dit avant ?

👉 Qu'est-ce qui aurait pu ĂȘtre diffĂ©rent ? Quelle information manque-t-il ? Est-ce que cette information (cruciale) Ă©tait dans le brief qui a Ă©tĂ© validĂ© en amont du projet ? Que pourrait-on ajouter ou enlever ? Comment pouvons-nous rĂ©soudre la situation ? De quelle quantitĂ© de travail parle-t-on ?


🎯 ETAPE N°4 : CONTINUER OU PARTIR

À partir de lĂ , deux possibilitĂ©s :

  • Peut-ĂȘtre que le retour de ton client ne te dĂ©courage pas de collaborer avec lui, et que maintenant que tu as eu des explications claires, les choses se sont apaisĂ©es. AprĂšs tout, il arrive Ă  tout le monde d’ĂȘtre maladroit, et tu ne te formalises pas. La collaboration peut continuer.
  • Peut-ĂȘtre que le client maintient son absence de considĂ©ration pour toi dans ses rĂ©ponses. Partons sur cette hypothĂšse...

👉 Attention, si tu n’as pas encore Ă©tĂ© payĂ©e pour la mission, sache que ça s’annonce mal. Tu as deux options :

  • Tenter de rectifier la situation en travaillant un peu plus et clore au plus vite la collaboration afin de rĂ©cupĂ©rer ton argent, ou bien

  • 
 tu sens que de toute maniĂšre, le client ne va pas te payer, peu importe ta bonne volontĂ©.

Ici, il faut s’interroger sur le montant qui est en jeu. Parfois, on a plus Ă  perdre Ă  insister pour rĂ©cupĂ©rer 1 000€, qu’à couper court et perdre cet argent.


👉 Si tu souhaites prĂ©server la relation (pour ĂȘtre payĂ©.e):

Recadrer la relation : tu peux commencer par exprimer ta surprise quant Ă  cette façon d’exprimer les choses. Rappelle qu’il est nĂ©cessaire de faire attention Ă  la maniĂšre d’exprimer des jugements quand on a envie de travailler en bonne intelligence.

Ecouter : invite le client à t'expliquer avec précision ce qui ne va pas, et dis-lui que tu es là pour écouter ses besoins.

Rassembler : ensuite, rappelle ce qui vous unit. Parle de votre objectif commun : trouver une solution pour parler à sa cible, en cohérence avec le brief et le devis qui ont été validés.

Proposer une solution : « je vous propose qu’on bloque une heure demain pour explorer ensemble calmement ce qui ne va pas afin de corriger le tir. »

Cadrer fermement la suite : pose les limites de ce que tu vas faire dans le cadre de ce contrat. Tu y passera X temps, tu feras X et Y modifications précises, puis la mission sera terminée. Le client doit te valider par écrit cet accord (demande une validation par mail, par exemple).


👉 Si tu dĂ©cides que de toute façon, c’est foutu :

Souviens-toi que vous ĂȘtes censĂ©s ĂȘtre dans un rapport horizontal. Quand on dit que tu fais un travail d’amateur, on questionne ton professionnalisme. On a bien le droit d’exprimer une critique, mais pas n’importe comment. Il faut le faire avec professionnalisme soi-mĂȘme.

Hors, est-il professionnel de dire de but en blanc que ton travail est de l’amateurisme ? Et bien non. Il y a quelques Ă©tapes Ă  passer avant d’en arriver lĂ  (si tant est qu’on en arrive lĂ ), comme poser des questions, exprimer des inquiĂ©tudes, signaler une exigence Ă  laquelle adhĂ©rer autrement, revenir au brief, prendre le temps d’expliciter ce qu’on veut, etc. Ce que le client n’a pas fait.

Tu as donc le droit de questionner le professionnalisme de cette rĂ©ponse, avec respect bien sĂ»r :

« Je vous avoue que je suis un peu surprise par la nature de votre rĂ©ponse. On a validĂ© ensemble en amont un brief, le livrable final rĂ©pond Ă  ce brief, on a bien respectĂ© le planning, et jusqu’à prĂ©sent nos Ă©changes Ă©taient cordiaux. Je trouve votre jugement assez peu respectueux. Nous arrivons au bout du contrat : le devis a Ă©tĂ© honorĂ©, mon travail est terminĂ©. On va donc s’arrĂȘter lĂ . Je vous souhaite une bonne continuation. »

Tu ne récupéreras pas ton paiement, mais...


đŸ„ł Ta santĂ© mentale a Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e !

đŸ€Ÿ Maintenant, pars sans te retourner. Les mauvais payeurs sont toujours super sympas
 jusqu’au moment de payer. 

Et oui, c'est sur ce genre de client que vous ĂȘtes tombĂ©.e. Celui avec lequel tout se passe bien durant la prod', et qui trouvera toutes les raisons du monde de ne pas te payer Ă  la fin.

đŸŒ» Quant aux mauvais castings de clients, ils arrivent Ă  tout le monde, et tu viens de voir Ă  quoi ressemble ce que tu apprendras Ă  Ă©viter Ă  l’avenir.


J’espĂšre que cet article t'a Ă©tĂ© utile.
Good luck !

đŸ”„ Si tu rencontres des difficultĂ©s avec un client et que tu sens que tu as besoin d’ĂȘtre conseillĂ©.e, tu peux prendre rendez-vous ici :