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En solo, pas sous l'eau

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Quand votre client joue sur votre syndrome de l’imposteur…

"Comment je fais si on me dit que mon travail est nul et que je suis une jeune amatrice ?"

C'est la question qu'une de mes élèves de Gobelins m'a posée hier, alors qu'on abordait la question du syndrome de l'imposteur. Cette question vaut d'être posée, car bien qu'il soit plutôt rare d'entendre une critique aussi ouvertement envoyée, autant y être préparée. Et pour se faire...

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? PARTONS D’UN EXEMPLE CONCRET

Rien de tel que de partir d’un exemple concret pour évaluer ce qu’on pourrait répondre à un client qui appuierait là où ça fait mal. Voici ce que j’ai donc proposé à ma classe :

Admettons, vous avez fait une mission de graphisme pour un client d’un cinquantaine d’années qui vend des baskets pour ados.

Jusqu’à présent, tout s’est bien passé, pas une difficulté sur le projet. Mais au moment de la livraison finale, ce client vous exprime son insatisfaction par cette délicate remarque :

“C’est nul, c’est du travail de jeune amateur.”

 

? Etape n°1 : QUESTIONNER LE CONTEXTE

Avant de répondre, prenez une grande inspiration, et remettez les choses en perspectives.

? Que “vaut” le regard de votre client ? Est-il un spécialiste de l’image ? Est-il particulièrement cultivé en matière d’arts graphiques ? Travaille-t-il régulièrement avec des artistes ? Quel est son métier ?

Par exemple, si ma grand-mère me dit qu’elle trouve mon logo moche, quelle importance ? Parce que le travail d’identité visuelle n’est pas son métier. C’est le mien. C’est sûr, je préfèrerais qu’elle l’aime bien, hein. Mais son avis sur mon travail n’a pas de valeur.

? Le client est-il très stressé ? Y a-t-il des évènements extérieurs à vous qui peuvent expliquer la sécheresse de cette réponse ? Quand on est sous pression, les mots dépassent parfois la pensée.

Le client est-il la cible finale de votre travail ? Est-il celui qu’il faut séduire grâce à votre plaquette de vente ? On travaille souvent pour un client qui n’est pas l’audience que l’on vise par la création. Si vous travaillez pour une marque de baskets, vous ciblez celles et ceux qui achètent des baskets. Votre interlocuteur porte-t-il des baskets ? Si la réponse est non, le fait que votre travail ne lui plaise pas n’a pas tellement d’importance. C’est plutôt le signe que vous avez bien fait votre travail, un travail qui ne s’adresse pas à un quinquagénaire, mais bien à des adolescents.

 

? Etape n°2 : VOUS N’ÊTES PAS DÉSOLÉ.E

? Si vous n’avez rien à vous reprocher et que vous avez honoré le devis en bonne et due forme, NE VOUS EXCUSEZ PAS. Vous n’êtes pas désolé.e d’avoir fait votre travail. Si vous vous excusez, vous êtes en train d’admettre qu’il y a de quoi s’excuser, et vous permettez à votre client de prendre l’ascendant.

? Par contre, vous pouvez dire que vous trouvez cela dommage qu’il voie les choses ainsi. Evidemment, votre objectif est que ça se passe bien et que le client soit satisfait de la collaboration que vous avez engagée.

 

? Etape n°3 : NE LAISSEZ PAS PASSER ÇA

Il ne faut pas laisser passer une phrase comme celle-ci. C’est un drapeau rouge qui se lève, dont il faut comprendre l’origine. Il va donc falloir poser des questions, car vous avez le droit et le devoir d’obtenir des explications :

? Par rapport à quoi émet-il son jugement ? Est-ce du travail d’amateur par rapport une référence comparable ? Avait-on alloué à cette référence le même budget, le même temps, et la même équipe ? Ses attentes sont-elles cohérentes avec la commande ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi n’avoir rien dit avant ?

? Qu’est-ce qui aurait pu être différent ? Quelle information manque-t-il ? Est-ce que cette information (cruciale) était dans le brief qui a été validé en amont du projet ? Que pourrait-on ajouter ou enlever ? Comment pouvons-nous résoudre la situation ? De quelle quantité de travail parle-t-on ?

 

? Etape n°4 : CONTINUER OU PARTIR

À partir de là, deux possibilités :

  • Peut-être que le retour de votre client ne vous décourage pas de collaborer avec lui, et que maintenant que vous avez eu des explications claires, les choses se sont apaisées. Après tout, il arrive à tout le monde d’être maladroit, et vous ne vous formalisez pas. La collaboration peut continuer.
  •  Peut-être que le client maintient son absence de considération pour vous dans ses réponses. Partons sur cette hypothèse…

? Attention, si vous n’avez pas encore été payée pour la mission, sachez que ça s’annonce mal. Vous avez deux options :

  • Tenter de rectifier la situation en travaillant un peu plus et clore au plus vite la collaboration afin de récupérer votre argent, ou bien…
  • … vous sentez que de toute manière, le client ne va pas vous payer, peu importe votre bonne volonté.

Ici, il faut s’interroger sur le montant qui est en jeu. Parfois, on a plus à perdre à insister pour récupérer 1 000€, qu’à couper court et perdre cet argent.

 

? Si vous souhaitez préserver la relation (pour être payé.e):

Recadrer la relation : vous pouvez commencer par exprimer votre surprise quant à cette façon d’exprimer les choses. Rappelez qu’il est nécessaire de faire attention à la manière d’exprimer des jugements quand on a envie de travailler en bonne intelligence.

Ecouter : invitez le client à vous expliquer avec précision ce qui ne va pas, et dites-lui que vous êtes là pour écouter ses besoins.

Rassembler : ensuite, rappelez ce qui vous unit. Parlez de votre objectif commun : trouver une solution pour parler à sa cible, en cohérence avec le brief et le devis qui ont été validés.

Proposer une solution : « je vous propose qu’on bloque une heure demain pour explorer ensemble calmement ce qui ne va pas afin de corriger le tir. »

Cadrer fermement la suite : poser les limites de ce que vous allez faire dans le cadre de ce contrat. Vous y passerez tant de temps, vous ferez x et y modifications précises, puis la mission sera terminée. Le client doit vous valider par écrit cet accord (demandez une validation par mail, par exemple).

 

? Si vous décidez que de toute façon, c’est foutu :

Souvenez-vous que vous êtes censés être dans un rapport horizontal. Quand on dit que vous faites un travail d’amateur, on questionne votre professionnalisme. On a bien le droit d’exprimer une critique, mais pas n’importe comment. Il faut le faire avec professionnalisme soi-même.

Hors, est-il professionnel de dire de but en blanc que votre travail est de l’amateurisme ? Et bien non. Il y a quelques étapes à passer avant d’en arriver là (si tant est qu’on en arrive là), comme poser des questions, exprimer des inquiétudes, signaler une exigence à laquelle adhérer autrement, revenir au brief, prendre le temps d’expliciter ce qu’on veut, etc. Ce que le client n’a pas fait.

Vous avez donc le droit de questionner le professionnalisme de cette réponse, avec respect bien sûr :

« Je vous avoue que je suis un peu surprise par la nature de votre réponse. On a validé ensemble en amont un brief, le livrable final répond à ce brief, on a bien respecté le planning, et jusqu’à présent nos échanges étaient cordiaux. Je trouve votre jugement assez peu respectueux. Nous arrivons au bout du contrat : le devis a été honoré, mon travail est terminé. On va donc s’arrêter là. Je vous souhaite une bonne continuation. »

Vous ne récupérerez pas votre paiement, mais…

 

Votre santé mentale a été préservée.

? Maintenant, partez sans vous retourner. Les mauvais payeurs sont toujours super sympas… jusqu’au moment de payer. Et oui, c’est sur ce genre de client que vous êtes tombé.e. Celui avec lequel tout se passe bien durant la prod’, et qui trouvera toutes les raisons du monde de ne pas vous payer à la fin.

? Quant aux mauvais castings de clients, ils arrivent à tout le monde, et vous venez de voir à quoi ressemble ce que vous apprendrez à éviter à l’avenir.

J’espère que cet article vous a été utile.

Good luck ! ?

J'ai fait tous les exercices, j'ai suivi tous les conseils, mais je continue de me sentir perdue…

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